L'Assemblée nationale s'est prononcée mardi 9 octobre sur le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire. Les députés ont voté par 477 voix pour, 70 contre, 21 abstentions. Neuf députés n'ont pas pris part au vote.
Plus couramment appelé "traité budgétaire", il fixe les conditions d'une véritable règle d'or au niveau européen. Décryptage en six questions :
Le TSCG (voir le texte) a été signé le 2 mars 2012 par 25 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (le Royaume-Uni et la République tchèque ont refusé de s'y associer), sous l'impulsion d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy. Pour pouvoir l'inscrire dans le droit français, le gouvernement présente ce mardi un projet de loi au Parlement (à l'Assemblée nationale d'abord), que l'on peut lire ici.
- Quel est l'objet du traité ?
D'après l'article 1er du TSCG, il a pour ambition de "renforcer le pilier économique de l'Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d'un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro".
Derrière cette déclaration d'intention, le grand principe du texte, énoncé à l'article 3, est une "règle d'or" budgétaire: "la situation budgétaire des administrations publiques (Etat, collectivités locales, fonds de Sécurité sociale) est en équilibre ou en excédent". C'est-à-dire que le TSCG interdit aux Etats signataires de se trouver dans une situation de déficit public, au risque de déséquilibrer l'ensemble de l'Union européenne - comme c'est le cas de la Grèce actuellement.
- Comment la règle d'or budgétaire va-t-elle s'appliquer ?
L'article 3 du TSCG détaille la façon dont l'impératif d'équilibre budgétaire des Etats sera appliqué. En matière budgétaire, chaque pays signataire aura à se donner un objectif à moyen terme (OMT) qui ne devra pas dépasser un déficit structurel de 0,5% du PIB. Le calendrier pour parvenir à cet objectif est "proposé" par la Commission européenne. Par "déficit structurel", il faut comprendre qu'il s'agit du "solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et net des mesures ponctuelles ou temporaires", selon le projet de loi présenté ce mardi à l'Assemblée nationale.
Le solde structurel diffère donc des 3% de déficit conjoncturel, autorisés en vertu des règles du Pacte de stabilité et de croissance (qui perdurent, avec l'impératif supplémentaire du 0,5% de déficit structurel). Le TSCG prend donc en compte les cycles économiques, et notamment l'effet multiplicateur des récessions, pour apprécier la santé budgétaire d'un pays. Ce qui constitue une avancée, au moment où l'on s'aperçoit, en Grèce, en Espagne, en Irlande ou au Portugal, que la course vers les 3% en temps de crise aggrave la situation. Reste à définir précisément le déficit structurel, qui divise les économistes. Le traité européen ne s'y risque pas.
D'après le projet de loi de finances pour 2013, le déficit structurel de la France atteindra 3,6% du PIB potentiel cette année et 1,6% l'an prochain. Dans le même temps, le déficit conjoncturel s'élèvera -normalement- à 4,5% du PIB en 2012 et 3% en 2013. C'est en 2015 que, d'après les prévisions du gouvernement, le déficit structurel rentrera dans les clous du 0,5%.
- La règle d'or est-elle intangible ?
Si la dette publique d'un Etat est "sensiblement" inférieure au ratio de 60% du PIB, l'autorisation de déficit structurel est doublée, à 1%. A l'inverse, si elle dépasse ce plafond, le gouvernement doit s'engager à la réduire au rythme d'un vingtième par an. ce qui impliquerait, en théorie, que la France fasse baisser la dette publique, attendue à 1830 milliards d'euros fin 2012 (89,9% du PIB), de 366 milliards d'euros en 2013. Soit une diminution de 18 points de PIB - un objectif totalement irréaliste, qui ne pourra donc être respecté que par des Etats dont l'endettement sera à peine supérieur à 60%. C'est pour cette raison que le TSCG prévoit une dérogation pour les Etats soumis à une procédure de déficit excessif à la date du 8 novembre 2011. Vingt-et-un Etats, dont la France, sont actuellement dans ce cas.
Par ailleurs, le TSCG prévoit que l'on puisse s'écarter de l'objectif de déficit structurel en cas de "circonstances exceptionnelles", dont la définition reste imprécise: "des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou (des) périodes de grave récession économique".
- Que se passe-t-il si l'on ne respecte pas la règle d'or ?
Dans un premier temps, si l'objectif de déficit structurel est manqué, un "mécanisme de correction" est déclenché par les Etats eux-mêmes, "sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne". Le TSCG précise que "ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux".
L'article 8 va cependant plus loin, en inscrivant dans le marbre la possibilité d'un recours à la Cour de justice de l'Union européenne - saisie par Bruxelles ou un Etat membre, en cas de dérapage intentionnel. L'avis de la Cour de justice est cette fois explicitement qualifiée de "contraignant". Et si l'Etat visé ne respecte pas cet avis, des "sanctions financières" sont possibles, dans la limite de 0,1% de son PIB. Leur produit est versée au budget de l'Union, ou au Mécanisme européen de stabilité si le mauvais élève fait partie de la zone euro.
Le TSCG exige enfin qu'une instance de supervision soit créée dans chaque pays pour avertir le gouvernement s'il s'écarte des objectifs structurels ou juger l'éventuelle invocation de "circonstances exceptionnelles". En France, il s'agira du Haut Conseil des finances publiques, présidé par le Premier président de la Cour des comptes. il comportera dix membres dont quatre membres de la Cour des comptes, quatre personnes nommées respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et des deux commissions des Finances, le directeur général de l'Insee et un membre désigné par le président du Conseil économique social et environnemental. Ils seront nommés pour six ans, et leurs mandats ne seront ni révocables ni renouvelables.
- Que dit le TSCG par ailleurs ?
Après ces dispositions budgétaires, le traité ouvre un chapitre sur la "coordination des politiques économiques" et la "convergence", qui se résume davantage à des déclarations d'intention qu'à des mesures concrètes. Ainsi l'article 11, par lequel "les parties contractantes veillent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu'elles envisagent d'entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles". Idem pour le chapitre suivant, sur la "gouvernance de la zone euro", qui rappelle la nécessité de la concertation entre les chefs d'Etat et de gouvernement. Le TSCG se referme sur les dispositions relatives à son entrée en vigueur, qui doit intervenir le 1er janvier 2013.